La deuxième chambre civile de la Cour de cassation vient de rendre un arrêt attendu et logique sur le formalisme de la déclaration d’appel, en tirant la conséquence de sa jurisprudence sur l’absence de valeur de l’annexe, qui ici seule mentionnait les chefs du jugement critiqués.
La déclaration d’appel doit comporter les chefs du jugement critiqués
On sait que l’article 562 du code de procédure civile dispose que l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
Ce sont les chefs du jugement qui sont critiqués dans la déclaration d’appel qui limitent la dévolution du litige.
De manière plus accessoire, l’article 901 du même code précise que la déclaration d’appel contient, à peine de nullité, notamment les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
Quelles sanctions en cas d’absence des chefs du jugement critiqués ?
L’absence dans la déclaration d’appel des chefs du jugement peut emporter deux sanctions.
La première est la nullité de la déclaration d’appel, qui nécessite la démonstration d’un grief. Ce n’est pas une sanction que l’intimé devra rechercher compte tenu de l’effet très limité de la nullité, qui permet à l’appelant d’interjeter un nouvel appel si la nullité était prononcée : une déclaration d’appel nulle interrompt le délai pour faire appel.
Outre la nullité, , la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a précisé que lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration d’appel n’aurait pas été sollicitée par l’intimé (Cour de cassation – Deuxième chambre civile — 30 janvier 2020 – n° 18-22.528 ou encore Arrêt n° 629 du 2 juillet 2020 (19-16.954) – Cour de cassation – Deuxième chambre civile).
Cette seconde sanction est bien plus lourde. Dans cette hypothèse, l’acte d’appel existe mais il ne saisit la cour d’appel d’aucune critique du jugement. La cour d’appel ne peut que confirmer la décision de première instance.
C’est naturellement cette sanction que devra rechercher l’intimé.
Qu’est ce que l’acte d’appel ?
Dans l’arrêt du 13 janvier 2022, la Cour de cassation rappelle que l’acte d’appel est accompli et transmis par voie électronique : il s’agit du formulaire rempli par l’avocat générant un fichier au format XML destiné à faire l’objet d’un traitement automatisé par une application informatique de la cour d’appel, qui vaut déclaration d’appel jusqu’à la réception du récapitulatif.
Seul cet acte est la déclaration d’appel. Il est parfois d’usage de joindre un fichier au format PDF en annexe, reprenant les mentions de l’article 901 du code de procédure civile, mais la Cour de cassation a déjà indiqué que cette annexe n’avait aucune valeur et n’était pas le prolongement de la déclaration d’appel (Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 5 décembre 2019, 18-17.867, Publié au bulletin).
Dès lors, que penser de l’appelant qui ne fait figurer les chefs du jugement critiqués que dans l’annexe avec la mention d’un renvoi dans le formulaire informatique générant le fichier XML, comme c’était le cas en l’espèce ?
La Cour de cassation tire la conséquence de sa jurisprudence antérieure et considère logiquement que faute pour les chefs du jugement critiqués de figurer dans le formulaire électronique, l’effet dévolutif n’opère pas et la cour d’appel ne pouvait que confirmer le jugement de première instance. Peu importe que les chefs du jugement critiqués figurent dans l’annexe puisque cette dernière n’a aucune valeur.
Deux exceptions notables
Il demeure deux exceptions notables.
L’effet dévolutif s’opère pour le tout lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
Enfin, si les chefs du jugement critiqués dépassent la limite technique du formulaire, soit 4080 caractères, l’appelant aura alors la possibilité de compléter son acte par une annexe dont l’existence sera dés lors justifiée. C’est ce que la Cour de cassation appelle ici l’empêchement technique. Cette possibilité est d’ailleurs envisagée par la circulaire d’interprétation du décret 2017-891 du 6 mai 2017, en date du 4 aout 2017 : possibilité de joindre une annexe à la déclaration d’appel « dans la mesure où le RPVA ne permet l’envoi que de 4080 caractères ».
On peut également penser à l’alinéa 2 de l’article 930-1 du code de procédure civile, qui prévoit la possibilité de faire appel sur support papier lorsque l’« acte ne peut pas être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l’accomplit ». Cette limite technique est bien une cause étrangère à l’appelant.
Le praticien doit donc abandonner la mauvaise habitude de faire sa déclaration d’appel au préalable sur un logiciel de traitement de texte, en pensant bien faire. Seul le formulaire sur le RPVA doit être rempli : que le formulaire et rien que le formulaire, sauf dépassement des 4080 caractères.